La Forêt et le Bûcheron

La Fontaine Jean (de)



Un Bûcheron venait de rompre ou d'égarer
Le bois dont il avait emmanché sa cognée.
Cette perte ne put si tôt se réparer
Que la Forêt n'en fût quelque temps épargnée.
L'Homme enfin la prie humblement
De lui laisser tout doucement
Emporter une unique branche,
Afin de faire un autre manche.
Il irait employer ailleurs son gagne-pain:
Il laisserait debout maint chêne et maint sapin
Dont chacun respectait la vieillesse et les charmes.
L'innocente Forêt lui fournit d'autres armes.
Elle en eut du regret. Il emmanche son fer.
Le misérable ne s'en sert
Qu'à dépouiller sa bienfaitrice
De ses principaux ornements.
Elle gémit à tous moments.
Son propre don fait son supplice.
Voilà le train du Monde, et de ses sectateurs.
On s'y sert du bienfait contre les bienfaiteurs.
Je suis las d'en parler; mais que de doux ombrages
Soient exposés à ces outrages,
Qui ne se plaindrait là-dessus!
Hélas! j'ai beau crier et me rendre incommode:
L'ingratitude et les abus
N'en seront pas moins à la mode.



Jean de La Fontaine (né le 8 juillet 1621 à Château-Thierry, et mort le 13 avril 1695 à Paris) est un poète français de grande renommée, principalement pour ses Fables et dans une moindre mesure ses contes licencieux. On lui doit également des poèmes divers, des pièces de théâtre et des livrets d'opéra qui confirment son ambition de moraliste.


Naissance: 1621,Château-Thierry (France)
Décès: 1695,Paris (France)


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