Le Loup et l'Agneau

La Fontaine Jean (de)



La raison du plus fort est toujours la meilleure ;
Nous l'allons montrer tout à l'heure.
Un Agneau se désaltérait
Dans le courant d'une onde pure.
Un Loup survient à jeun qui cherchait aventure,
Et que la faim en ces lieux attirait.
Qui te rend si hardi de troubler mon breuvage?
Dit cet animal plein de rage ;
Tu seras châtié de ta témérité.
ô - Sire, répond l'Agneau, que votre Majesté
Ne se mette pas en colère ; 
Mais plutôt qu'elle considère
Que je me vas désaltérant
Dans le courant,
A Plus de vingt pas au-dessous d'Elle,
Et que par conséquent en aucune façon,
Je ne puis troubler sa boisson.
- Tu la troubles, reprit cette bête cruelle,
Et je sais que de moi tu médis l'an passé.
- Comment l'aurais-je fait, si je n'étais pas né ?
Reprit l'Agneau ; je tette encore ma mère.
. - Si ce n'est toi, c'est donc ton frère.
- Je n'en ai point. - C'est donc quelqu'un des tiens :
Car vous ne m'épargnez guère,
Vous, vos Bergers, et vos Chiens.
On me l'a dit : il faut que je me venge.
Là-dessus au fond des forêts
Le Loup l'emporte, et puis le mange
Sans autre forme de procès.



Jean de La Fontaine (né le 8 juillet 1621 à Château-Thierry, et mort le 13 avril 1695 à Paris) est un poète français de grande renommée, principalement pour ses Fables et dans une moindre mesure ses contes licencieux. On lui doit également des poèmes divers, des pièces de théâtre et des livrets d'opéra qui confirment son ambition de moraliste.


Naissance: 1621,Château-Thierry (France)
Décès: 1695,Paris (France)


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