L'âne

Buffon



Pourquoi donc tant de mépris pour cet animal, si bon, si patient, si sobre, si utile ? Les hommes mépriseraient-ils jusque dans les animaux, ceux qui les servent trop bien et à trop peu de frais ? On donne au cheval de l' éducation, on le soigne, on l' instruit, on l' exerce, tandis que l' âne, abandonné à la grossièreté du dernier des valets, ou à la malice des enfants, bien loin d' acquérir, ne peut que perdre par son éducation : et s' il n' avait pas un grand fonds de bonnes qualités, il les perdrait en effet par la manière dont on le traite : il est le jouet, le plastron, le bardeau des rustres qui le conduisent le bâton à la main, qui le frappent, le surchargent, l' excèdent sans précaution, sans ménagement.
On ne fait pas attention que l' âne serait par lui-même, et pour nous, le premier, le plus beau, le mieux fait, le plus distingué des animaux, si dans le monde il n' y avait point de cheval ; il est le second au lieu d' être le premier, et par cela seul il semble n' être plus rien : c' est la comparaison qui le dégrade ; on le regarde, on le juge, non pas en lui-même, mais relativement au cheval ; on oublie qu' il est âne, qu' il a toutes les qualités de sa nature, tous les dons attachés à son espèce, et on ne pense qu' à la figure et aux qualités du cheval, qui lui manquent, et qu' il ne doit pas avoir.




Naissance: 1707
Décès: 1788


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