Amour filial

Diderot Denis



Une des choses qui m’aient fait le plus de plaisir, c’est le propos bourru que me tint un provincial quelques années après la mort de mon père. Je traversais une des rues de ma ville ; il m’arrête par le bras et me dit : « Monsieur Diderot, vous êtes bon ; mais si vous croyez que vous vaudrez jamais votre père, vous vous trompez. » Je ne sais pas si les pères sont contents d’avoir des enfants qui valent mieux qu’eux ; mais moi, je le fus d’entendre dire que mon père valait mieux que moi. Je crois, et je croirai tant que je vivrai, que ce provincial m’a dit vrai.
Quelle tâche que mon père m’a imposée, si je veux jamais mériter les hommages qu’on rend à sa mémoire ! Il n’y a ici qu’un mauvais portrait de cet homme de bien ; mais il n’est pas sans faute. Si ses infirmités lui eussent permis de venir à Paris, mon dessein était de le faire représenter à son établi, dans ses habits d’ouvrier, la tête nue, les yeux levés vers le ciel, et la main étendue sur le front de sa petite-fille, qu’il aurait bénie.
Je ne sais ce que j’ai ; je ne sais ce que j’éprouve. Je voudrais pleurer. O mes parents ! ô ma mère ! toi qui réchauffais mes pieds froids dans tes mains !...





Naissance: 1713
Décès: 1784


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