Le pauvre colporteur

Lamartine Alphonse (de)



Le pauvre colporteur est mort la nuit dernière.
Nul ne voulait donner de planches pour sa bière ;
Le forgeron lui-même a refusé son clou :
« C’est un juif, disait-il, venu je ne sais d’où,
Un ennemi du Dieu que notre terre adore,
Et qui, s’il revenait, l’outragerait encore.
Son corps infecterait un cadavre chrétien :
Aux crevasses du roc traînons-le comme un chien.
La croix ne doit point d’ombre à celui qui la nie,
Et ce n’est qu’à nos os que la terre est bénie. »
Et la femme du juif et ses petits enfants
Imploraient vainement la pitié des passants,
Et, disputant le corps au dégoût populaire,
Se jetaient éplorés entre eux et le suaire.
Du scandale inhumain averti par hasard,
J’accourus ; j’écartai la foule du regard ;
Je tendis mes deux mains aux enfants, à la femme ;
Je fis honte aux chrétiens de leur dureté d’âme,
Et, rougissant pour eux, pour qu’on l’ensevelît :
« Allez, dis-je, et prenez les planches de mon lit ! »
Ces deux mots ont suffi pour retourner leur âme ;
Et l’on se disputait les enfants et la femme.




Naissance: 1790
Décès: 1869


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